Terre de contrastes soumise au joug de différents envahisseurs, l’Espagne possède de nombreux trésors architecturaux uniques au monde, trésors qui ne se limitent pas aux palais hispano-mauresques d’Andalousie. Tout aussi éblouissantes, les œuvres de style mudéjar, plateresque ou churrigueresque restent une spécificité d’outre-Pyrénées, témoins de son histoire mouvementée...

Les constructions les plus anciennes visibles en Espagne datent de l’époque Celtibère entre les IIIème et IIème siècles avant JC. Il s’agit en général de ruines de fortifications avec quelques pans de murs et restes de donjons, mais le plus souvent, on ne retrouve que des ruines de villages mis à jour lors de fouilles où apparaissent les fondations de quelques maisons.

L’occupation romaine de l’Hispanie a commencé en -218 avant JC et s’est poursuivie jusqu’à la chute de l’empire au début de Vème siècle. Comme dans tous les territoires occupés, les romains ont beaucoup construit, laissant derrière eux de nombreux aménagements comme des aqueducs, théâtres ou autres forums. Si les deux ensembles les plus importants se trouvent à Tarragone en Catalogne et Mérida en Extrémadure, ils sont loin d’être les seuls. De très beaux vestiges de la civilisation romaine restent disséminés dans la péninsule, comme à Saragosse où ils sont nombreux.

En colonisant l’Espagne dès le VIIIème siècle, les Omeyyades originaires de Syrie se sont eux aussi lancés dans de nombreux aménagements qui dépassent la simple construction de palais d’apparat, de mosquées ou de fortifications. Les premiers développements de l’irrigation datent de leur époque, même s’il n’en reste plus beaucoup de traces. Au fur et à mesure des vagues migratoires originaires du monde arabo-musulman, l’architecture a évolué, passant de l’art Almohade au style Almoravide avant de culminer avec l’époque Nasride dont l’Alhambra de Grenade (XIVème siècle) représente le plus bel exemple.

Importé de France, l’Art Roman s’est essentiellement développé entre les XIème et XIIIème siècles dans les premiers territoires reconquis par les rois catholiques, c’est-à-dire surtout dans le nord de l’Espagne. Même s’il s’agit à la fois d’un art civil et religieux, les principaux édifices ayant résisté à l’œuvre du temps restent les églises et les monastères, à l’exception du Castillo de Loarre en Aragon, probablement une des forteresses romanes les plus imposantes d’Europe.

Avec l’art Mudéjar, spécificité espagnole, on parle d’un style décoratif et non architectural au sens strict. Après la première grande phase de reconquête au XIIème siècle, la noblesse catholique subjuguée par le savoir-faire des architectes et ouvriers musulmans les installa à son service et les chargeât de concevoir et construire la plupart des nouvelles églises. Très présentes en Aragon au point d’avoir obtenu un classement au patrimoine de l’Unesco sous le label « Aragon Mudejar », il s’agit essentiellement d’églises dotées de tours-clochers structurées et décorées comme des minarets. Dans les palais catholiques de cette époque, de nombreuses décorations non-figuratives sont constituées d’arabesques inspirées des codes musulmans. Signe de l’influence profonde de ce style originaire du Moyen-Orient, les espagnols ont continué à construire des églises mudéjares bien après l’expulsion des musulmans au tout début du XVIème siècle.

Directement inspiré des édifices français, le gothique espagnol mit plus de temps à s’implanter dans la péninsule à cause de nombreuses réticences locales. S’il existe peu de cathédrales gothiques en Espagne comparé à la France, leurs caractéristiques stylistiques sont exactement les mêmes comme on peut le remarquer dans les cathédrales de Burgos ou de Léon. L’agrandissement du flamboyant château d’Olite au XIVème siècle a été effectué en revendiquant clairement une influence gothique française. Dans de nombreux villages, les églises mêlent les styles gothique et roman avec parfois une décoration mudéjare à l’extérieur.

Initiée en Italie et en particulier à Florence à la fin du XIVème siècle, la Renaissance, mouvement artistique inspiré de l’antiquité, s’est étendu rapidement à la France et à toute l’Europe. Dans la péninsule ibérique, ce style sera développé par des architectes locaux créant une Renaissance spécifiquement espagnole. Dénommée au départ « Plateresque » en hommage aux « Plateros », orfèvres qui travaillaient l’argent, elle est constituée de façades richement décorées souvent rajoutées sur des bâtiments gothiques. A partir du XVIème siècle, le style gagne en sobriété et devient le « Purisme », assez fréquent en Andalousie (cathédrales de Grenade, Jaén et Baeza) puis le style « Herrerien », cubique, dépouillé et prétendant dégager une impression de puissance selon la volonté de Philippe II d’Espagne qui en fit l’architecture officielle de la Royauté (Monastères de l’Escurial en Castille et d’Irache en Navarre par exemple).

Comme souvent dans le domaine artistique, les nouvelles modes architecturales prennent le contrepied des précédentes et c’est ainsi qu’apparait le style maniériste précurseur du baroque lequel va dominer les XVIIème et XVIIIème siècles. Caractérisé par une exubérance des formes et des couleurs, le baroque s’est énormément développé en Espagne où l’on trouve beaucoup d’églises et de demeures nobles ou bourgeoises bâties à cette époque. Si la plupart des édifices religieux conservent une relative sobriété extérieure, il n’en va pas de même à l’intérieur, où les retables sophistiqués et chargés de dorures s’imposent derrière les autels et dans les chapelles latérales. C’est aussi l’époque où l’on redécore de nombreuses églises gothiques avec abondance de plâtres colorés, de sculptures et de peintures. Devenant de plus en plus riche et varié au cours du temps, le baroque espagnol sera qualifié de churrigueresque au cours du XVIIIème siècle avec des retables, des façades et des portails aux ornementations toujours plus extravagantes comprenant de multiples détails d’origine gothique, mudéjare ou plateresque dans les compositions baroques.

A partir de la fin du XVIIIème siècle, la construction d’édifices religieux et de nouveaux palais se fait plus rare. Si quelques édifices néoclassiques ou néogothiques restent visibles dans la péninsule, leur présence est sans commune mesure avec le grand nombre d’œuvres baroques. Quant aux styles Art Nouveau et Art Déco, il est possible d’en voir en petites quantités dans le centre des grandes villes, bien que les destructions de la guerre civile de 1936 aient mis de beaucoup de ces bâtiments à terre.